Les imaginaires et les symboles

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Les imaginaires et les symboles

Plusieurs imaginaires sont convoqués au sein de la Circo Mobile. Le dispositif tient son originalité du foisonnement des sources d’inspiration de l’artiste mais aussi de leur imbrication.

Ces imaginaires sont palpables dans l’œuvre finale. Conjugués à la fiction, ils proposent une lecture hétéroclite et intemporelle du monde du cirque et du personnage féminin de Columbia.

 

Trois grands thématiques se dégagent de la Circo Mobile : Celle de Columbia, personnage singulier, qui nous ouvre les portes de son univers personnel et professionnel. Celle de la nature et du cirque. Entre ciel et terre, au croisement de ce qui fait écho entre l’être humain et l’environnement naturel.

Pour finir, la Circo Mobile interroge la notion de prise de risque, inhérente aux arts du cirque.

COLUMBIA, UN PERSONNAGE SINGULIER

La troupe entière résonne de son patronyme. Tel un clin d’œil à l’oiseau, visiteur incessant des deux éléments Air et Terre, Columbia ancre sa vie dans l’espace mouvant de la performance aérienne. Son nom de scène résonne comme une envolée. Columbia est une trapéziste dont la vie d’artiste semble indissociable de sa condition de femme. Libre, elle semble occupée un poste clef au sein de sa troupe. Preuve en est, dans l’une des deux maquettes, Columbia est appelée par son régisseur pour présenter son numéro.

 

Colombia évoque bien entendu la colombe, oiseau féminin symbolisant la pureté et la liberté.
La dualité “femme-ange”, “femme-oiseau”, “femme-volante”, renvoie aux cieux. Dans certaines religions, ces-derniers sont des espaces généralement réservés à des figures masculines. Columbia, elle, s’empare des hauteurs, surplombe. Pour nourrir la création de cette figure féminine, Cécile Léna s’est inspirée du film de Wim Wenders “Les ailes du désir”. On y retrouve une trame en deux dimensions qui résonne avec les deux éléments entre ciel et terre. Voir Les ailes du désir.

 

Dans l’imaginaire collectif, la figure du voltigeur est une femme fragile, légère, portée par les hommes. Dans l’œuvre de Cécile Léna, le personnage de Columbia suggère une autre approche : celle d’une femme forte, indépendante, au centre d’une équipe.

 

Dans sa quête d’indépendance, Columbia revient en filigrane sur son passé pour comprendre sa propre histoire. Guidé par ses mots, le spectateur suit les chemins de sa vie, d’hier comme d’aujourd’hui. Le texte parle de la question de la transmission et de la filiation dans le cirque. Cécile Léna entrevoit à travers ces deux notions celle “d’un petit monde clos” dans lequel il est difficile de pénétrer. Columbia est-elle prisonnière de ses choix ? On devine différents autres rôles. Ils nous suggèrent une vie empreinte de parcours émotionnels et professionnels variés : Ainsi Columbia est-elle la directrice du cirque ? Issue d’une famille de cirque ? La fiancée éloignée d’un être aimé ou encore une mère en questionnement qui cherche à transmettre ses valeurs ?

 

L’œuvre “Columbia circus” succède à “Free Ticket – Kilomètre zéro”.
Dans ce dernier, Cécile Léna nous raconte l’histoire d’un boxeur et ici, il est question d’une trapéziste. Les deux œuvres entretiennent des liens étroits autour des thèmes tels que la loyauté, la tragédie, la quête, l’amour, la mort, la vie et l’absence. Voir Free Ticket Kilomètre Zéro.

 

Personnage central cependant invisible, l’histoire s’articule autour de Columbia. Columbia est, Columbia dit, mais Columbia n’est pas là. Dans cette œuvre, Cécile Léna nous propose de découvrir l’univers de Columbia et de pénétrer dans sa loge.
La scénographe déstabilise le spectateur en jouant avec différentes échelles : celle de la maquette, de la caravane et d’un monde plus vaste représenté par les montagnes.
Cette proposition bouleverse également nos perceptions, par des personnages aux facettes multiples. Enfin, Cécile Léna, joue avec nos repères spatiaux temporels, en choisissant délibérément de ne pas situer l’œuvre dans une époque ou dans un lieu spécifique.

 

Télécharger l’arborescence : Les femmes et le cirque

ENTRE CIEL ET TERRE

Retenu au sol, l’artiste joue de l’illusion d’une vie dans les airs : être léger, en dérive, vaciller, chuter, tomber, voler…

 

La miniature représente le monde dans un monde. Dans cette installation, le rapport est perceptible entre l’immense et le tout petit.

 

Devant la maquette panoramique, nous plongeons dans une nature époustouflante. Le décor y est un écrin et présente les montagnes majestueuses (Huangshan, Chine). La nature y est à la fois grandiose et onirique. Sous le chapiteau, le trapèze lui, évoque à la fois la fragilité de l’homme et la quête de nouveaux possibles.

 

Le trapèze est une référence directe à la compagnie Les Arts Sauts et à l’originalité de leur histoire. Le documentaire “les fils du vent”, qui retrace leur tournée en Asie, a inspiré Cécile Léna. Voir Les fils du vent.

 

Sous la protection du chapiteau dans la maquette de la loge, nous découvrons une nature luxuriante. La canopée fait référence au cirque en plein air, comme celui des Flying Frenchies. Cette équipe singulière rassemble des alpinistes et des circassiens. Ils mélangent les disciplines à risque et les mettent en scène dans les lieux naturels (montagne, canyon, océan, fjord…). Le parcours et la personnalité de Tancrède Melet ont particulièrement touché Cécile Léna au cours de cette création. Voir “I believe I can Fly”.

 

Les problématiques écologiques préoccupent Cécile Léna, ce qui se traduit dans ses miniatures. Entre ciel et terre, les environnements imaginés soulèvent de nouveaux questionnements…

 

Le chapiteau est appelé à être l’espace de représentation du “Columbia Circus”, comme un phare rutilant dans la nuit. Le chapiteau, muni de ses mille et unes ampoules, évoque les étoiles du cirque et la voute céleste.

LE RISQUE

Le risque est défini comme un danger éventuel plus ou moins prévisible, mais aussi comme la possibilité d’un évènement indésirable ou un péril probable.
Le risque pris par les acrobates suscite lui, des émotions et nourrit l’imaginaire du spectateur.

 

Le Columbia Circus met en scène dans l’une des maquettes un trapèze, celui de Columbia. L’agrès se balance vide, sous nos yeux, bien que la présence de la trapéziste y soit fortement suggérée. Nous questionnons alors légitimement sur la situation de la voltigeuse et sa vulnérabilité : sa présence est-elle suggérée ou est-elle tombée ? Toutes les interprétations sont possibles.

 

Le trapèze fait sensation, intrigue. Il représente la propulsion du voltigeur qui donne à saisir le mouvement. L’élan est une tentative d’envol, de prise de hauteur et d’emprise sur la gravité.
Le mythe d’Icare symbolise aussi cette dualité, entre désir de réussite et risque de chute.
On dit d’ailleurs “être perché” ou “se percher”, comme s’il s’agissait de se mettre hors de portée des autres. Du haut de son trapèze, Columbia domine, comme si elle était inaccessible.

 

Pour le spectateur, les frontières entre les émotions d’angoisse et d’euphorie sont parfois ténues, tel un rêve éveillé entre émerveillement et hébétude. C’est là, la magie du cirque. L’ivresse de liberté, une fuite anticipée, une échappée symbolique que l’on retrouve d’ailleurs dans la vie itinérante du cirque.

 

Pour l’artiste, se mettre en scène et défendre ses idées devant un public est une prise de risque artistique d’un autre ordre. Vivre de sa passion est une forme d’engagement total.

 

Au cirque, les performances sont sans cesse repoussées. On peut s’interroger avec Cécile Léna : pourquoi les artistes de cirque courent-ils un tel danger et quelles sont les motivations du public à venir voir de telles prises de risque ?

 

Les disciplines d’acrobatie au sol bouleversent le rapport à l’autre dans les équilibres ou les corps à corps. Le reportage “Cirque hors-piste” et la parole des artistes ont également été une source d’inspiration pour la Circo Mobile.


Voir Cirque hors-piste et les interviews proposées dans ce livret.

LE MYTHE D'ICARE

Dans la mythologie grecque, Icare est le fils de Dédale, un ingénieux architecte et inventeur qui construisit en Crète le labyrinthe renfermant le Minotaure. Avec l’aide d’Ariane et de Dédale, Thésée, héros athénien vainquit le Minotaure. Furieux, le roi de Crète Minos enferma Dédale et son fils Icare dans le labyrinthe dont ils ne pouvaient s’échapper que par les airs. C’était sans compter sur l’ingéniosité de Dédale qui avec des plumes d’oiseau et de la cire fabriqua des ailes pour lui et son fils. Avant de s’envoler, Dédale prévint son fils de ne pas trop s’approcher de la mer qui pourrait les noyer mais également du soleil qui ferait fondre la cire et brûler leurs ailes. Portés par le vent, ils réussirent à s’extraire du labyrinthe. Mais, Icare, qui avait maintes fois rêvé de voler comme les oiseaux et qui se sentait libre comme l’air ne résista pas à la tentation de prendre de plus en plus d’altitude s’élevant de plus en plus haut dans le ciel. Grisé par la beauté du spectacle et par le goût de la liberté, il désobéit à son père, prit de plus en plus de risque et s’approcha trop près du soleil qui fit fondre la cire. Icare chuta dans la mer.

 

Depuis l’Antiquité grecque, le mythe d’Icare est le symbole à la fois de la témérité et du courage mais aussi de l’imprudence des hommes qui rêvent de voler comme les oiseaux et de s’élever au niveau des dieux. Il incarne aussi la curiosité intellectuelle. La volonté de l’homme qui veut aller toujours plus loin, plus haut vers la connaissance. De Léonard de Vinci jusqu’à la conquête spatiale, l’homme, à l’instar d’Icare, n’a eu de cesse de vouloir voler dans les airs.